Personne n’a jamais rêvé de recevoir une injonction de payer. Pourtant, pour nombre d’entrepreneurs, ce dispositif n’a rien d’anecdotique : c’est souvent la seule réponse face à un débiteur qui fait la sourde oreille. En France, ce recours légal, solidement balisé, s’impose comme l’arme ultime pour obtenir le paiement d’une créance qui s’éternise.
L’injonction de payer : la solution judiciaire pour récupérer une créance
De nombreux chefs d’entreprise, confrontés à des impayés, font le choix de l’injonction de payer. Ce mécanisme, qui a largement fait ses preuves, vise à débloquer des situations où le dialogue ne suffit plus. Qu’il s’agisse d’un client récalcitrant ou d’un partenaire commercial qui traîne des pieds, cet outil judiciaire permet de forcer le règlement d’une dette.
Concrètement, l’injonction de payer se déroule devant un tribunal, sous l’œil d’un juge, avec l’intervention d’un huissier. Elle vise une chose : contraindre le débiteur à payer ce qu’il doit. Mais ce recours ne s’utilise pas à la légère. Avant d’y avoir recours, la loi impose de tenter, de manière sérieuse, une démarche amiable pour régler la créance.
La mise en demeure : étape incontournable avant toute procédure
Avant de pouvoir saisir le juge, il faut prouver qu’une tentative de règlement à l’amiable a bien été menée. C’est là qu’intervient la mise en demeure. Cette lettre, envoyée par le créancier au débiteur, formalise la demande de paiement. Elle constitue une véritable pièce du dossier, car elle atteste de la volonté de trouver une solution sans passer par la justice.
La mise en demeure est considérée comme un acte juridique. Sa force réside dans sa valeur de preuve : elle montre que le créancier n’a pas immédiatement dégainé l’artillerie lourde. Néanmoins, dans la pratique, cette démarche reste souvent sans effet. Un débiteur de mauvaise foi peut choisir de l’ignorer purement et simplement. En clair, la mise en demeure ne contraint personne, elle n’a pas de portée coercitive.
Dans les rares cas où elle fonctionne, la situation se règle sans recours au tribunal. Mais si rien ne bouge après son envoi, le créancier peut alors engager la procédure d’injonction de payer, sans même devoir avertir le débiteur de son intention de saisir la justice.
À quelles dettes s’applique l’injonction de payer ?
Il est indispensable de vérifier que la somme réclamée peut faire l’objet d’une injonction de payer. Contrairement à une idée répandue, toutes les dettes ne sont pas concernées par cette procédure.
Le champ d’application est strict : seules les créances sont visées. Par exemple, il n’est pas possible de réclamer le paiement d’une pension alimentaire ou d’un chèque sans provision via cette voie.
L’injonction de payer s’adresse aux créances commerciales et civiles. Pour faire simple, une créance civile implique qu’au moins une des parties est un consommateur, tandis qu’une créance commerciale oppose uniquement des commerçants entre eux.
Quatre conditions à respecter pour recourir à l’injonction de payer
La loi impose des critères précis pour qu’une créance puisse être récupérée de cette façon. Pour éviter de voir sa démarche rejetée, il faut que la créance réunisse quatre caractéristiques fondamentales :
- Elle doit provenir d’un contrat : facture impayée, prêt non remboursé, loyer en retard… Impossible d’agir sans preuve contractuelle.
- Elle porte sur une somme d’argent : seules les dettes pécuniaires sont concernées. Les obligations de faire, comme la livraison d’un service, sont exclues. Mieux vaut que le montant soit précisément défini et accepté par les deux parties.
- La créance doit être exigible au moment de la demande : la date de paiement doit être dépassée. Tant que le délai court encore, le débiteur n’est pas considéré comme défaillant.
- La créance ne doit pas être prescrite : chaque créance a une durée de vie. À défaut de mention contraire, une facture civile se prescrit en 2 ans, une créance commerciale en 5 ans. Mieux vaut vérifier le délai applicable avant de se lancer.
En cas de doute sur l’une de ces conditions, s’informer précisément sur le délai de prescription ou la nature de la créance permet d’éviter les mauvaises surprises.
Le cadre légal et le tribunal compétent
Démarrer une procédure d’injonction de payer implique de s’adresser au bon tribunal, selon la nature de la créance. Le tribunal judiciaire gère les créances civiles ; le tribunal de commerce s’occupe des créances commerciales.
Autre point à connaître : la question des frais. Pour les créances civiles, la démarche est gratuite. En revanche, saisir le tribunal de commerce entraîne des frais de greffe s’élevant à 33,44 euros. Un détail qui peut peser dans le choix de la procédure.
Déroulement : les quatre étapes clés de l’injonction de payer
La procédure suit un schéma bien rodé, découpé en quatre phases à respecter dans l’ordre.
1. Dépôt de la requête auprès du tribunal
Tout commence par la constitution d’un dossier. Le créancier rédige une requête d’injonction de payer, accompagnée des pièces justificatives (preuve du contrat, copie de la mise en demeure…) et du formulaire Cerfa correspondant. Le dossier est déposé auprès du greffe du tribunal compétent.
Pour que la demande soit prise en compte, certaines mentions sont impératives. Un oubli peut entraîner le rejet pur et simple du dossier. Demander conseil à un professionnel du droit à ce stade évite bien des soucis.
2. Décision du juge
Le juge examine alors le dossier. Trois issues sont possibles. Il peut rejeter la demande, accepter la requête en totalité, ou n’en valider qu’une partie. Seule l’ordonnance de rejet empêche le créancier d’aller plus loin. Sinon, le juge délivre une ordonnance d’injonction de payer, qui donne à la créance un caractère exécutoire.
3. Signification de la décision et réaction du débiteur
L’ordonnance obtenue est valable 6 mois. Le créancier dispose de ce délai pour la faire signifier au débiteur par un huissier. Dès réception, le débiteur a un mois pour réagir : il peut contester la décision ou s’exécuter et régler la dette.
4. Recouvrement effectif de la créance
Si le débiteur paie, l’affaire est close. S’il s’y oppose, une saisie peut être lancée : l’huissier vend alors les biens nécessaires pour couvrir la créance, permettant au créancier de récupérer son dû.
L’injonction de payer, c’est la dernière carte à abattre lorsque toutes les discussions ont échoué. Une procédure structurée, parfois longue, mais qui remet souvent les compteurs à zéro entre un créancier et son débiteur. Face à l’inertie ou à la mauvaise foi, elle s’impose comme un rappel ferme : les dettes, elles, n’attendent pas.


